ISAAC, JULES MARX (1877 -1963)
Historien français né à Rennes, il devint inspecteur en chef de l’enseignement d’histoire au ministère de l’éducation nationale.
Il fut cruellement éprouvé par la mort en déportation de sa femme et de sa fille.
Auteur de nombreux ouvrages, il publie en 1946 : « Jésus et Israël ».
Dans ce livre « qui est le cri d’une conscience indignée, d’un cœur déchiré », Jules ISAAC révèle les racines chrétiennes de l’anti-judaïsme et réclame l’instauration d’un dialogue véritable entre Juifs et Chrétiens. En annexe du livre (pages 575-578), il propose 18 points comme base pour corriger l’enseignement chrétien sur les Juifs.
Auteur de nombreux ouvrages, il publie en 1946 : « Jésus et Israël ».
Dans ce livre « qui est le cri d’une conscience indignée, d’un cœur déchiré », Jules ISAAC révèle les racines chrétiennes de l’anti-judaïsme et réclame l’instauration d’un dialogue véritable entre Juifs et Chrétiens. En annexe du livre (pages 575-578), il propose 18 points comme base pour corriger l’enseignement chrétien sur les Juifs.Cruellement éprouvé par la mort en déportation de sa femme et de sa fille, l’historien français Jules Isaac publie en 1846 un livre intitulé « Jésus et Israël », dans lequel il révèle les racines chrétiennes de l’anti-judaïsme et réclame l’instauration d’un dialogue véritable entre Juifs et Chrétiens. En annexe du livre (pages 575-578), il propose 18 points comme base pour corriger l’enseignement chrétien sur les Juifs.
Un enseignement chrétien digne de ce nom devrait :
– donner à tous les chrétiens une connaissance au moins élémentaire de l’Ancien Testament ; insister sur le fait que l’Ancien Testament, essentiellement sémitique – fond et forme, était l’Écriture sainte des Juifs, avant de devenir l’Écriture sainte des chrétiens ;
– rappeler qu’une grande partie de la liturgie chrétienne lui est empruntée ; et que l’Ancien Testament, œuvre du génie juif (éclairé par Dieu), a été jusqu’à nos jours une source permanente d’inspiration pour la pensée, la littérature et l’art chrétiens ;
– se garder d’omettre le fait capital que c’est au peuple juif, élu par Lui, que Dieu s’est révélé d’abord dans sa Toute-Puissance ; que c’est par le peuple juif que la croyance fondamentale en Dieu a été sauvegardée, puis transmise au monde chrétien ;
– reconnaître et dire loyalement, en s’inspirant des enquêtes historiques les plus valables, que le christianisme est né d’un judaïsme non pas dégénéré mais vivace, comme le prouvent la richesse de la littérature juive, la résistance indomptable du judaïsme au paganisme, la spiritualisation du culte dans les synagogues, le rayonnement du prosélytisme, la multiplicité des sectes et des tendances religieuses, l’élargissement des croyances ; se garder de tracer du pharisaïsme historique une simple caricature ;
– tenir compte du fait que l’histoire donne un démenti formel au mythe théologique de la Dispersion – châtiment providentiel (de la Crucifixion), puisque la dispersion du peuple juif était un fait accompli au temps de Jésus et qu’à cette époque, selon toute vraisemblance, la majorité du peuple juif ne vivait plus en Palestine ; même après les deux grandes guerres de Judée (1er et 2ème siècles), il n’y a pas eu dispersion des Juifs de Palestine ;
– mettre en garde les fidèles contre certaines tendances rédactionnelles des Évangiles, notamment dans le quatrième Évangile l’emploi fréquent du terme collectif « les Juifs » dans un sens limitatif et péjoratif – les ennemis de Jésus : les grands prêtres, scribes et pharisiens, – procédé qui a pour résultat non seulement de fausser les perspectives historiques, mais d’inspirer l’horreur et le mépris du peuple juif dans son ensemble, alors qu’en réalité ce peuple n’est nullement en cause ;
– dire très explicitement, afin que nul chrétien ne l’ignore, que Jésus était juif, de vieille famille juive, qu’il a été circoncis (selon la Loi juive) huit jours après sa naissance ; que le nom de Jésus est un nom juif (Yeschouha) grécisé, et Christ l’équivalent grec du terme juif Messie ; que Jésus parlait une langue sémitique, l’araméen, comme tous les juifs de Palestine ; et qu’à moins de lire les Évangiles dans leur texte original qui est en langue grecque, on ne connaît la Parole que par une traduction de traduction ;
– reconnaître – avec l’Écriture – que Jésus, né « sous la Loi » juive, a vécu « sous la Loi » ; qu’il n’a cessé de pratiquer jusqu’au dernier jour les rites essentiels du judaïsme ; que, jusqu’au dernier jour, il n’a cessé de prêcher son Évangile dans les synagogues et dans le Temple ;
– ne pas omettre de constater que, durant sa vie humaine, Jésus n’a été que « le ministre des circoncis » (Romains, XV,8) ; c’est en Israël seul qu’il a recruté ses disciples ; tous les apôtres étaient des juifs comme leur Maître ;
bien montrer, d’après les textes évangéliques, que, sauf de rares exceptions, et jusqu’au dernier jour, Jésus n’a cessé d’obtenir les sympathies enthousiastes des masses populaires juives, à Jérusalem aussi bien qu’en Galilée ;
se garder d’affirmer que Jésus en personne a été rejeté par le peuple juif, que celui-ci a refusé de le reconnaître comme Messie et Fils de Dieu, pour la double raison que la majorité du peuple juif ne l’a même pas connu, et qu’à cette partie du peuple qui l’a connu, Jésus ne s’est jamais présenté publiquement et explicitement comme tel ; admettre que, selon toute vraisemblance, le caractère messianique de l’entrée à Jérusalem à la veille de la Passion n’a pu être perçu que d’un petit nombre ;
se garder d’affirmer qu’à tout le moins Jésus a été rejeté par les chefs et représentants qualifiés du peuple juif ; ceux qui l’ont fait arrêter et condamner, les grands-prêtres, étaient les représentants d’une étroite caste oligarchique, asservie à Rome et détestée du peuple ; quant aux docteurs et aux pharisiens, il ressort des textes évangéliques eux-mêmes qu’ils n’étaient pas unanimes contre Jésus ; rien ne prouve que l’élite spirituelle du judaïsme se soit associée à la conjuration ;
se garder de forcer les textes pour y trouver la réprobation globale d’Israël ou une malédiction qui n’est prononcée nulle part explicitement dans les Évangiles ; tenir compte du fait que Jésus a toujours pris soin de manifester à l’égard des masses populaires des sentiments de compassion et d’amour ;
se garder par-dessus tout de l’affirmation courante et traditionnelle que le peuple juif a commis le crime inexpiable de déicide, et qu’il en a pris sur lui, globalement, toute la responsabilité ; se garder d’une telle affirmation non seulement parce qu’elle est nocive, génératrice de haines et de crimes, mais aussi parce qu’elle est radicalement fausse ;
mettre en lumière le fait, souligné par les quatre Évangiles, que les grands-prêtres et leurs complices ont agi (contre Jésus) à l’insu du peuple et même par crainte du peuple ;
pour ce qui est du procès juif de Jésus, reconnaître que le peuple juif n’y est pour rien, n’y a joué aucun rôle, n’en a même probablement rien su ; que les outrages et brutalités qu’on met à son compte ont été le fait des policiers ou de quelques oligarques ; qu’il n’y a nulle mention d’un procès juif, d’une réunion du sanhédrin dans le quatrième Évangile ;
pour ce qui est du procès romain, reconnaître que le procurateur Ponce Pilate était entièrement maître de la vie et de la mort de Jésus ; que Jésus a été condamné pour prétentions messianiques, ce qui était un crime aux yeux des Romains, non pas des Juifs ; que la mise en croix était un supplice spécifiquement romain ; se garder d’imputer au peuple juif le couronnement d’épines qui est, dans les récits évangéliques, un jeu cruel de la soldatesque romaine ; se garder d’identifier la foule ameutée par les grands-prêtres avec le peuple juif tout entier ou même avec le peuple juif de Palestine dont les sentiments antiromains ne font pas de doute ; noter que le quatrième Évangile met en cause exclusivement les grands-prêtres et leurs gens ;
en dernier lieu, ne pas oublier que le cri monstrueux : « Son sang soit sur nous et sur nos enfants » ne saurait prévaloir contre la Parole : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».