La Communion ecclésiale de Leuenberg (qui fédère plus de cent Eglises protestantes d’Europe) publie une importante Déclaration, ‘Eglise et Israël’, unique en son genre tant par son ampleur que par le nombre de pays concernés.
Le texte complet fait 36 pages. Dans sa troisième partie, il présente les « recommandations » suivantes :
1.1.5 : Travail à accomplir dans les communautés et au niveau de la direction d’Eglise
– Que les Eglises encouragent de façon continue des groupes de travail qui ont pour tâche de réfléchir aux conséquences théologiques et sociales de la rencontre de l’Eglise et d’Israël, et de faire porter du fruit à ces réflexions dans tous les champs d’action de l’Eglise. Si possible, ceci devrait être mis en oeuvre par un dialogue avec les partenaires juifs.
– Que les Eglises prennent soin de cultiver entre elles un échange fructueux au sujet de leurs travaux respectifs en vue de la clarification du rapport de l’Eglise à Israël.
– Qu’elles partagent les résultats auxquels elles ont abouti par ces études.
– Que les Eglises s’efforcent de prendre des contacts, à tous les niveaux, avec les communautés juives de leur entourage et de les maintenir vivants.
– Que par ailleurs – au regard des évolutions récentes à l’intérieur des communautés juives d’Europe, évolutions déclenchées par des mouvements migratoires- les Eglises fassent un effort en faveur d’une solidarité pratique partout où celle-ci est bienvenue.
– Que les Eglises mettent pleinement à profit les contacts qu’elles peuvent avoir et leur adhésion à des organisations qui réunissent des représentantes et des représentants de l’Eglise et d’Israël, par exemple à celles qui consacrent leurs efforts en faveur de l’entente mutuelle, de la paix et du développement au Proche-Orient.
1.2.5 : Prédication ecclésiale et enseignement
– Que la prédication chrétienne exprime le lien entre la foi chrétienne et le judaïsme. En particulier, qu’elle se dresse contre toutes les tentatives de vouloir opposer le Dieu prétendument sans pitié et vengeur de l’Ancien Testament au Dieu miséricordieux et qui fait grâce du Nouveau Testament. Qu’elle contribue à dépasser le reproche qui exerce jusqu’à aujourd’hui une certaine influence, à savoir que les Juifs seraient « déicides ».
– Que la prédication chrétienne s’efforce de s’exprimer de manière appropriée à propos du judaïsme et de sa foi. Qu’elle évite, par exemple, de relayer les clichés sur la piété légaliste juive, et qu’elle soit attentive à l’auto-compréhension qu’en ont les Juifs.
– Que la réticence à l’égard de textes de prédication tirés de l’Ancien Testament, qui est perceptible jusqu’à nos jours dans certaines Eglises, soit l’objet d’une réflexion critique et qu’elle soit surmontée. A cet effet, plusieurs pistes sont tout autant requises les unes que les autres : que l’exégèse vétérotestamentaire et l’homilétique se préoccupent encore davantage d’une herméneutique qui soit utile à la prédication chrétienne. Il convient de réviser les listes de textes pour la prédication ; de même, on peut encourager le choix de textes de l’Ancien Testament comme lectures et comme textes de prédication.
1.3.5 : Culte et Calendrier liturgique
– Dans les célébrations cultuelles, on peut toujours faire prendre conscience de la proximité des célébrations cultuelles chrétiennes et juives, ainsi que de l’origine dans la tradition d’Israël de nombreux éléments cultuels.
– L’Eglise et Israël témoignent que le dimanche ou le sabbat sont bénis pour les hommes et pour toute la création. Il convient donc de mettre en évidence les multiples dimensions et les implications de la pause après une semaine de travail, en particulier ce que cette pause recèle en force salutaire. Le repos dominical répond à la parole de grâce et au commandement de Dieu. Il est louange de la résurrection de Jésus, et en même temps louange de la création bonne de Dieu qui connaît les limites données aux humains. Il est mémorial de la libération de l’esclavage, qui oppose un démenti aux rapports de force injustes. Il est également mémoire de l’intrusion du Royaume de Dieu, dans l’Esprit duquel nous agissons dès maintenant.
1.4.5 : Formation ecclésiale initiale et formation continue
– Connaître l’interprétation de l’Ecriture et les pratiques de la foi juive est un élément de l’enseignement théologique dispensé par l’Eglise au même titre que la réflexion sur le point précis de la relation entre Israël et l’Eglise. C’est pourquoi nous recommandons, partout où cela est possible, de faire participer des professeures et professeurs juifs à la formation, le cas échéant en collaboration avec des théologiennes et théologiens chrétiens.
– Que les Eglises soutiennent pleinement des programmes d’étude et d’échanges avec des instituts de formation juifs, au niveau universitaire ainsi qu’à tout autre niveau et qu’elles encouragent la spécialisation théologique dans le domaine du dialogue judéo-chrétien – en particulier la connaissance de la tradition et de l’histoire juives qui en fait partie.
– Que les pasteures et les pasteurs et les enseignantes et les enseignants soient encouragés et aidés lorsqu’ils cherchent à prendre connaissance de la réalité de la vie en Israël, par exemple par le biais d’une période d’étude sur place. Les Eglise doivent créer les conditions favorables pour cela, et développer davantage les possibilités existantes.
2. De la responsabilité commune des chrétiens et des Juifs
Ces dernières années, dans de nombreuses situations, chrétiens et Juifs ont combattu ensemble contre la discrimination, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Dans ce domaine, ils se savent liés les uns aux autres. Dans le processus conciliaire, les thèmes de « Justice, paix et sauvegarde de la création » sont devenus particulièrement significatifs pour de nombreuses Eglises. Ce sont des préoccupations et des espérances qui concernent à la fois les chrétiens et les Juifs sur la base de la tradition qui leur est propre. Ils peuvent être côte à côte dans la lutte pour une application de plus en plus réelle des droits de l’homme au plan individuel et social. Ces dernières années, de nombreuses expériences ont été vécues en Europe sur le terrain de tels engagements communs. Ce sont des signes encourageants qui montrent que la culpabilité et les blessures qui ont été infligées ne doivent pas forcément avoir le dernier mot, mais que, avec précaution –sans qu’il soit question d’oublier ni de refouler le passé- des pas peuvent être faits ensemble.